Le voyage de Terdoê

Publié le par la louve blanche

        Les Plaines de Mohiko s’éveillèrent avec une colère spectaculaire ce matin-là. Les nuages leurs volèrent les premières lueurs de l’aube puis le vent enveloppa soudainement les forêts de sa danse énergique. Les arbres se lancèrent alors dans un jeu violent, où leurs ramures jouait leur théâtre tragique, virevoltant inlassablement jusqu’à se craquer les os. Les loups se mirent alors à hurler, guidant l’orchestre de leurs chants mystérieux. Puis le rythme de la Cour s’intensifia par des coups de tonnerre vifs et réguliers, les éclairs inondant le jardin sous des éclats lumineux sinistres. Une pluie s’engagea alors dans des pirouettes interminables, s’écrasant au sol dans une agressivité bruyante.
La dépression faisait rage jusque dans les villes. Le vent semblait déployer toutes ses forces, frappant les toits avec des accouts violents. Ses poings cassaient quelques fois le bois des portes et fenêtres, déjà humidifiés par les pluies, qui ne cessaient d’exprimer leur mauvaise humeur.

        Le ciel s'éclaircit tout de même en fin de matinée. Les nuages donnèrent le relais à l'astre, qui ouvrit sa lueur jusqu'aux plus grandes hauteurs. Wilhem en profita alors pour  commencer son voyage, à la recherche du mage. Car seul un mage pouvait lui venir en aide.
Il adressa un léger baiser sur le front brûlant de sa mère et mima un signe de la main au sorcier, ne trouvant plus la manière pour le remercier. Il n'osa se retourner une dernière fois et une larme se dessina à l'orée de son oeil gauche.
 
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        Wilhem déposait régulièrement des pièges dans la Forêt Aux Chênes, bois qui jalonnait son village. Il les plaçait à l'entrée des terriers et attrapait ainsi quelques fois des lapins. Ce matin-là, il était parti récupérer ses proies. Une brise enveloppait son visage et emportait les feuilles des chênes dans une légère valse. C'est alors qu'il avait entendu un murmure grave, si grave qu'il lui était difficile de l'écouter. Il s'était approché, déposant ses pieds nus silencieusement. Puis il l'avait vu, cette boule de poils dorés se perdant dans les feuilles, qui tentait de se réfugier près du corps agité de sa mère.
Wilhem se situait tout près, et n'osait s'approcher davantage. Les mères pouvaient se montrer très agressives pour défendre leurs petits. C'est alors qu'il avait distingué nettement un liquide de couleur vive. L'énorme masse coulait le long du ventre de la mère, s'étalant jusqu'au sol.
Impuissant, il assistait ainsi à l'agonie de la mère, qui ne bougeait plus que par des sortes de soubresaults convulsifs, certaines parties de son corps s'animant parfois même violemment. Il avait alors pris la tentative de s'aventurer près du petit être qui s'agitait inlassablement, afin de le protéger de l'agressivité involontaire de sa mère.
Il s'était approché lentement, et avait alors pu voir l'ampleur de la blessure. Le ventre de la mère était ouvert de toute sa longueur et certains de ses organes, sortis de leur logis, rayonnaient à la lueur de soleil. L'agitation de la mère avait alors pris fin et son corps inerte se reposait. Wilhem avait alors pris délicatement le jeune elfe, qui, recouvert de sang, s'était endormi auprès sa mère.
     Il l'avait ramené à la ferme, l'avait nourris avec le lait des juments. Il s'était alors occupé de lui et l'avait laissé grandir. Il l'avait bâtisé Terdoê. Terdoê s'était alors imprégné de Wilhem, mais il restait pas moins sauvage avec les Hommes. Personne ne pouvait s'approcher de lui, à part Wilhem et sa mère. Il restait toujours avec les chevaux, paîtrait avec eux dans les prés.
Dès lors, les paysans qui les hébergaient laissaient Wilhem s'occuper de tous les chevaux. Aucuns n'étaient capable de s'occuper de Terdoê ou de subvenir aux besoins des animaux comme Wilhem le faisait.
Wilhem vivait alors avec sa mère au village d'Ysùan. Ils étaient hébergé dans une ferme en l'échange des aides qu'ils apportaient. On leur réservait un coin à la grange, l'étable où logeait les chevaux et l'elfe Terdoê.
 
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        Lorsque Wilhem quitta la bâtisse du sorcier, le soleil l'immobilisa quelques secondes. Il sentit alors une faible chaleur s'emparer de son corps et s'engagea dans une course, martelant le sol de ses pas décidés. Il regagna la ferme, et courut jusqu'à la grange. 
L'elfe semblait comprendre qu'il se passait quelque chose, et lorsqu'il entendit les pas de son ami craquer une planche de bois en entrant, il s'élança dans un trot pour le rejoindre. Wilhem lui caressa délicatement l'encolure et lui murmura quelques mots.
Il s'empara d'un sac, qu'il remplit d'une gourde d'eau, de fruits secs et de lard, ainsi qu'un gros morceau de pain noir, puis y ajouta une épaisse couverture, en fourrure de lapin. Il s'approcha alors de Terdoê l'elfe et commença doucement à lui parler. 
Bien sûr qu'il savait qu'il ne pouvait le laisser ici ! Mais son voyage serait sûrement long et fatiguant. De plus, les elfes étaient des animaux discrêts et bien trop mystérieux, et certaines personnes, les connaissant mal, pouvaient avoir des réactions malveillantes en voyant un elfe.
C'est alors que Terdoê recula lentement et se mit à pousser un long hurlement grave, faisant vibrer le sol et les parois de la grange. Il s'approcha alors de Wilhem, se baissant devant lui et hocha violemment sa tête.
Wilhem n'avait jamais essayé de monter sur le dos de l'elfe, et savait que personne n'avait jamais réussi. Mais Terdoê s'agitait, lui imposant son dos.
Wilhem monta alors sur le dos de l'elfe, qui se releva et se laissa guider jusqu'à la sortie.
 
 
Dessin de l'elfe

Publié dans Nouvelles

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